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La nuit


O nuit ! Le délicieux moment
Que celui de ton heure ! Juste après le couchant
Tu entres en ma demeure, vêtue de voiles bleus
Traînés furtivement sur le miroir des cieux.
Nulle reine jamais n'égalera ta grâce
Lorsque très lentement tu glisses dans l'espace.
Devant tant de beauté le jour même s'incline ;
Et les oiseaux se taisent, et les fleurs déclinent.
 
Si douce est ta présence, ô nuit !
Exhalant les parfums d'un jardin alangui,
A petits pas feutrés, par mes volets ouverts,
Tu viens discrètement baiser mon front offert.
Ta place est réservée, je t'attends chaque soir
Près de la cheminée, où j'aime à m'asseoir
Plongée dans la tiédeur, l'intime solitude,
Où le temps se repose sur une plénitude.
 
O nuit ! Ma splendide ! Ma mie !
L'ombre de ta soie brune, devant l'âtre ébloui,
Palpite, aussi vivante que lumière du coeur,
Jaillie d'on ne sait quelle immense profondeur.
Sur ton aura d'onix les astres blancs scintillent
A l'unisson du tout, qui respire et pétille.
L'âme de l'âme unie dans le secret silence
Rejoint dans l'infini toute muse qui danse.
 
Ma précieuse égérie, ô nuit !
Je suis contre ton sein pensivement blottie.
Sous ton regard de miel aux cils argentés
Je rêve calmement entre tes bras ailés.
Divinement bordée dans tes draps de velours
Ton souffle me murmure l'imprononçable Amour.
Et je m'endors tranquille sur ton épaule noire,
Bercée,  tout doucement,  par de profonds espoirs.

 








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